Le droit des détenus en détention confronté au régime juridique des fouilles
« Déshabillez-vous et abaissez-vous… »… chaque jour en France, au sein des 188 établissements pénitentiaires des femmes et hommes détenus sont confrontés à des fouilles intégrales, soit après un rendez-vous au parloir avec leur famille, en revenant de promenade ou parfois même en revenant du travail.
Initialement la fouille découlait d’une simple appréciation du chef de l’établissement et ce sans aucune obligation de motiver cet acte pourtant extrêmement attentatoire à la dignité.
En réalité ce n’était pas le chef d’établissement lui-même qui effectuait l’intégralité des fouilles, mais les surveillants qui avaient la délégation de cette mission dans le cadre de leur fonction, sans motivation cette pratique pouvait rapidement devenir arbitraire.
Depuis 2009, dans les suites de nombreuses condamnations de la France par la Cour Européenne des droits de l’homme pour non-respect de la dignité, (CEDH, 12 juin 2007 - Frérot c./ France, CEDH, 9 juillet 2009 – Khider c./ France) le législateur s’est saisi de l’encadrement du régime des fouilles.
En ce sens, la loi pénitentiaire du 9 mars 2004 a tenté de concilier les impératifs sécuritaires liés au milieu carcéral et les nécessités de respect de la dignité de la personne incarcérée.
L’équilibre entre ces deux objectifs pouvait se faire en ayant notamment recours à la mise en place des moyens de détection électroniques, ou encore au recours à la palpation des détenus.
Ce qui était acquis comme systématique devait alors faire l’objet d’une décision motivée.
En effet, la loi impose que le recours à la fouille doit être justifié notamment par la présomption d’une infraction ou pas les risques que le comportement des personnes détenues fait courir à la sécurité des personnes et du maintien du bon ordre.
En pratique chaque fouille est censée faire l’objet d’une décision de fouille, tant lorsqu’elle concerne une fouille de cellule, qu’une fouille intégrale d’un détenu.
Le recours à la fouille impose trois critères cumulatifs à savoir :
- le principe de nécessité,
- le principe de proportionnalité,
- le principe de subsidiarité.
La décision de procéder à des fouilles peut être individualisée mais également non-individualisée, comme par exemple soumettre la fouille l’ensemble des détenus sortant des parloirs famille.
Dans les deux cas, les décisions doivent être tracées au sein de l’administration pénitentiaire et le détenu peut à tout moment solliciter copie de la décision le contraignant à se mettre à nu, que ce soit de manière individualisée ou non.
C’est même indispensable afin de connaitre la motivation de la fouille, et auquel cas pouvoir la contester devant le Tribunal Administratif du ressort du lieu de détention.
Le respect du cadre juridique des fouilles s’applique à géométrie variable en fonction des établissements pénitentiaires alors que la loi a vocation à s’appliquer de la même manière pour tous et les droits des détenus doivent être respectés.
Il arrive très souvent que la juridiction administrative considère que les trois principes énoncés ne sont pas démontrés et condamne l’établissement pénitentiaire afin que le détenu qui a été privé entre autres de sa dignité soit indemnisé.
Notamment à l’égard d’un établissement pénitentiaire qui avait institué un régime de fouilles intégrales systématiques applicable, sans distinction, à toutes les personnes détenues à leurs sorties des parloirs, ou encore à leur retour de promenade, ce qui était totalement illégal. (CE, 6 juin 2013 – OIP-SF, CAA Lyon, 29 janvier 2015, TA Versailles, 24 février 2017).
En dépit de l’encadrement les fouilles, cette pratique illégale demeure enracinée.
Les murs des établissements pénitentiaires ne peuvent faire fi des droits, aux détenus de les utiliser à bon escient.
Article écrit par CSC Avocats. le 02/09/2022.
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